Si il est vrai qu’il n’existe aucun raccourci miracle pour parvenir à quoi que ce soit qui en vaille la peine, il est très facile de se retrouver à rendre les choses plus longues ou difficiles qu’elles ne le nécessitent. Il nous arrive souvent de perdre beaucoup de temps parce que personne ne nous a montré la bonne méthode d’entrainement. Qu’il s’agisse d’apprendre à jouer d’un nouvel instrument, d’apprendre une nouvelle langue ou une nouvelle compétence informatique, s’entrainer de la bonne manière fait souvent la différence entre devenir « bon » et « excellent ».
J’ai commencé le violon à l’age de 2 ans, et d’aussi loin que je me souvienne, une question m’a toujours occupé l’esprit:
Est ce que je m’entraine assez ?
Ce que les professionnels disent
J’ai lu de nombreux articles et interviews de grands artistes, afin de trouver quel était le nombre d’heures idéal pour pratiquer. Certains professionnels disent qu’il ne faut pas dépasser quatre heures par jour. Ils expliquaient que si on avait besoin de plus d’heures que ca, on devait surement mal s’entrainer.
Puis un jour, un violonise célèbre demanda à son professeur combien d’heures par jour il devait pratiquer. Son professeur lui répondit: « Entraines-toi avec tes doigts et tu auras besoin de t’entrainer toute la journée. Entraines-toi avec ta tete et tu n’auras pas besoin de plus d’une heure et demie. »
Ce que les psychologues disent
En termes de compréhension de l’expertise et de la performance professionnelle, le Docteur K. Anders Ericsson est l’expert le plus reconnu. Ses recherches sont à la base de la « règle des 10 000 heures », qui indique qu’il faut au moins 10 ans ou 10 000 heures d’entrainement réfléchi pour atteindre un niveau d’expert ce quel que soit le domaine de compétence; dans le cas des musiciens, il faut meme 15 à 25 ans pour prétendre à un niveau d’expert international.
Des chiffres si gros qui, au premier abord, m’ont fait raté le facteur le plus important de l’équation.
Entrainement réfléchi.
Cela signifie qu’il y a un certain type d’entrainement qui favorise l’accession à un niveau de performance expert. Et il y a aussi l’autre type d’entrainement dont la plupart d’entre nous ont l’habitude.
La pratique répétitive
Avez-vous déjà observé un musicien (ou ahtlète, acteur, avocat) à l’entrainement ? Vous remarquerez que la plupart des entrainement suit un de ces 3 motifs:
- La méthode dite « du disque rayé »: C’est celle où l’on répète simplement les memes gestes encore et encore. Le meme service au tennis, le meme passage au piano. Le memne discours. Au premier abord on considère cela comme de l’entrainement, mais après tout ce n’est que de la répétition idiote.
- Mode autopilote: Cette fois-ci au contraire on va activer « l’autopilote » et se jeter dans le bain. Réciter son discours d’une traite deux ou trois fois, jouer un morceau du début à la fin.
- La methode hybride: Il y a l’approche qui combine les deux précédentes. Par exemple pour apprendre un morceau de musique, on va essayer de jouer un morceau du début à la fin, puis s’arreter sur les passages difficiles, pour les répéter séparément chacun, l’un après l’autre.
Trois problèmes
Malheureusement, il y a 3 problèmes à s’entrainer de cette façon.
- C’est une perte de temps. Pourquoi ? Déjà, cette manière d’apprendre est très peu productive. Vous pouvez pratiquer ainsi pendant des heures, jours, semaines sans jamais réellement progresser. Pire meme, vous vous enfoncez, car ce type d’entrainement renforce les mauvaises habitudes et les petites erreurs indésirables, et au final vous devenez habitués à ces imperfections.
Cela rend encore plus difficle de se débarasser des mauvaises habitudes. L’entrainement n’amène pas vers la perfection, il rend les choses permanentes.
- Cela vous rend moins sur de vous: répéter sans cesse la meme chose vous rend moins sur de vous, car vous ne réalisez pas exactement qu’est-ce qui fait que vous réussissez.
Par exemple, la vraie confiance sur scène provient premièrement du fait de savoir exactement comment réussir un passage difficile, deuxièmement du fait de savoir que ce n’est pas le fruit du hasard si on peut produire une prestation à la demande, et troisièmement du fait de savoir exactement pourquoi on réussi ou rate un passage difficle: on a identifié clairement les facteurs techniques ou mécaniques nécessaires à l’exécution parfaite et systématique d’un passage.
- C’est terriblement lassant et ahurissant: Répéter sans cesse la meme chose est une tache pénible. Nous avons tous eu des parents ou professeurs qui nous rabachaient « Répétez ce passage X fois » ou bien « entrainez-vous pendant X heures ». Mais pourquoi mesurons-nous le succès en termes de temps passé ? Ce dont nous avons besoin est d’avoir des objectifs plus orientés vers des résultats. Comme par exemple, répéter un passage jusqu’à ce qu’il sonne exactement comme X, ou arriver à reproduire un résultat Y.
La pratique réfléchie
Alors, quelle alternative ? L’entrainement réfléchi est une activité structurée. Il s’agit d’une approche disons « plus scientifique ». Plutôt que de répéter sans cesse essais et erreurs, il s’agit d’accomplir un processus de réflexion et d’étude dans lequel il faut constamment rechercher des solutions à des problèmes clairement identifiés.
Cela peut sembler compliqué, mais en réalité c’est un système qui brille par sa logique: on va se concentrer sur les problèmes que l’on rencontre et étudier les solutions envisageables. Il faut également observer: il faut observer ses performances, que ce soit par un enregistrement, de la prise de note ou meme en temps réel. En étant ainsi observateur, on est plus à meme de saisir les solutions qui s’offrent à nous pour progresser. Prenons l’exemple d’un passage de musique. Lors d’un passage difficile, quel est le problème rencontré ? Une note était-elle ratée ? Jouée trop forte ? Pas dans le rythme ? Trop courte ? Trop longue ?
Disons que la note est arrivée un peu trop tôt et était trop longue. Combien de temps est-elle arrivée trop tôt ? Beaucoup trop tôt ? Un peu trop tôt ? Quelle devait être la longueur idéale ? Imaginons que l’on aie pu enregistrer chaque tentative. En réecoutant chaque essai, pouvons nous obtenir plus d’informations sur comment arriver au résultat voulu ?
Vous pouvez le voir, il s’agit de faire une vraie introspection sur ce que l’on fait. Un vrai processus d’étude et d’observation, afin de tirer des conclusions visant à accélérer le processus d’apprentissage. C’est travail qui peut sembler long et fastidieux, et c’est la raison pour laquelle très peu de personnes décident de s’entrainer ainsi. Pourtant, en peu de temps j’ai beaucoup plus appris en m’entrainant de manière réfléchie qu’en plusieurs années d’entrainement « classique ».
Comment accélerer sa progression
Voici 5 principes clés qui pourront, je l’espère, vous servir à accéler sensiblement votre courbe de progression, ce quel que soit ce que vous essayez d’apprendre ou perfectionner.
- La clé, c’est la concentration: Entrainez-vous sur une durée qui vous permet de rester concentré. Cela peut être aussi court que 15-20 minutes, et peut aller jusqu’à 45-60 min.
- Choisissez le bon moment de la journée: il y a des moments de la journée plus propices au travail et à l’entrainement que d’autres. Des moments où vous serez plus éveillés, plus concentrés, plus actifs. Pour certains ce sera le matin un peu après le réveil, pour d’autres en début de soirée. A vous de trouver le moment idéal pour vous entrainer. Hors de ces périodes, reposez-vous !
- Ne faites pas confiance à votre mémoire: Prenez des notes. Notez vos objectifs et vos idées. La clé pour constamment progresser, c’est d’avoir des objectifs clairs et définis. Ayez une idée précise de ce que vous visez, et recherchez des solutions sans cesse.
Lorsque vous trouvez une solution ou avez une nouvelle idée, notez-là ! Plus vous vous entrainerez de manière réfléchie, plus vous aurez des idées et ferez des micro-découvertes, et vous aurez besoin de les noter pour vous en souvenir.
- Entrainez-vous plus intelligementt, pas plus dur: lorsque l’on arrive pas à faire quelque chose, on a souvent le réflexe d’essayer encore et encore, de persister. Parfois c’est ce qu’il faut faire. Et d’autres fois il faut plutôt essayer d’autres choses, aborder le problème sous un autre angle.
Je me souviens une époque où j’avais réellement du mal avec une technique de violon à la main gauche. J’essayai de m’entrainer sans relache à rejouer un passage utilisant cette technique, en répetant le passage encore et encore, jusqu’à m’en faire saigner les doigts. Sans succès. Puis à un moment donné, j’ai décidé d’arreter d’être têtu et ai tenté une approche différente. Pendant un jour ou deux, je n’ai pas joué et me suis mis plutôt à réfléchir à une solution, notant dans un cahier les différentes idées qui me venaient. Après avoir obtenu une liste de solutions potentielles, j’ai commencé à les tester.
J’ai fini par trouver une solution qui marchait (telllement bien, qu’une fois le passage joué devant mon professeur, il m’a demandé comment je faisais pour faire sonner les notes aussi bien !).
- Restez sur un schéma de résolution de problème: on a vite tendance à se laisser emporter dans un entrainement répétitif. Gardez un schéma d’étude et de résolution de problème en suivant ces consignes:
- Définissez le problème (quel résulat je viens d’obtenir ? Qu’est que je voulais à la place ?)
- Analysez le problème (pourquoi est ce que j’obtiens ce résultat ?)
- Identifiez les solutions possibles (Que puis-je faire pour obtenir le résultat voulu ?)
- Testez les solutions et choisissez la plus efficace (quel méthode fonctionne le mieux ?)
- Travaillez la meilleure solution (renforcez le changement pour le rendre permanent)
- Étudiez la solution (Est ce que cette solution continue de produire le résultat attendu ?)
Votre temps est précieux
Peu importe qu’il s’agisse de perfectionner la pratique d’un instrument, d’améliorer votre coup droit au tennis, de devenir un meilleur orateur, devenir meilleur commercial, ou un meilleur chirurgien.
La vie est courte, le temps est notre atout le plus précieux. Si vous devez vous entrainer, autant le faire correctement.
Par Noa Kageyama. Traduit et adapté de l’anglais. Photos par Salvatore Vuono et renjith krishnan.
Très bon je fais de la guitare et cela m’a appris à persister et à bien travailler car je me suis rendu compte que je fesais beaucoup d’erreurs je suis très contente d’avoir trouver se site. Bref avant je ne travaillais que mercredi,samedi,dimanche et des fois jeudi. Voilà bonne chance . et gros bisous de la part de Lola!
Merci Lola et bravo à toi, pratiquant moi-même la guitare, je ne peux que t’encourager dans cette voie 🙂
Merci pour cet article fort instructif, j’avoue que la technique qui consiste à persister et ressasser les mêmes erreurs est un peu comme un mauvais réflexe. Nous sommes conditionnés à nous entraîner de cette façon, et c’est bien dommage !
Vous vous en êtes rendu compte, et ça c’est le plus important. Bon courage !
Merci pour vos conseils !
Jouer intelligent au violon ça s’apprend !
Cependant malgré la prise de notes que je faisais naturellement dès le début, on arrive quand même à oublier, surtout en tant qu’adulte quand vous êtes pris par des soucis, fatigue, des responsabilités dans votre domaine professionnel qui bouscule sans cesse votre organisation personnelle.
Apprendre en tant qu’adulte relève pour ma part un challenge d’équilibriste, entre obligations de la vie et passion. Ce qui me sauve pour l’instant ? Des facilités d’apprentissages mais qu’avec votre méthode je pourrais mieux optimiser en fonction de mes aléas pour la suite à venir.
Le « secret »: la régularité.
C’est le plus important pour apprendre. Il vaut mieux 10min par jour tous les jours que 1h toutes les semaines ou tous les mois !
Bonjour,
Merci pour ce bel article, qui ne peut pas laisser les musiciens indifférents.
Pour ma part, je viens de la guitare classique, que j’ai pratiquée pendant 30 ans avant de me mettre au piano.
La guitare, je l’ai travaillée jusqu’à 8 heures par jour à une époque de ma vie, ou je voulais devenir professionnel, ensuite c’était « seulement » 1 à 2 heures.
Je me reconnais bien dans cet article.
En effet, j’ai stagné à un niveau acceptable durant tout mon apprentissage, mais sans jamais atteindre le but que je m’étais fixé…
Répétant mes erreurs, inlassablement, et faisant un blocage sur les passages difficiles.
J’essaie aujourd’hui de ne pas répéter ces erreurs au piano. Mais chassez le naturel…
Je n’ai bien évidemment pas les mêmes objectifs qu’à l’époque.
Désormais, je souhaite seulement atteindre un niveau amateur acceptable et tirer la quintescence de mon Shimmel, pour mon seul plaisir.
Mais ayant commencé le piano à l’âge de 51 ans, il y a 2 ans, je n’ai pas envie de m’éparpiller et de stagner durant des années à un niveau qui ne me donne pas satisfaction.
Pourtant, certains jours j’ai l’impression de commettre les erreurs du passé etde perdre ainsi un temps précieux.
Je vais donc mettre vos précieux conseils en pratique, encore merci.
Christophe,
Pourriez-vous me dire s’il est possible que les doigts saignent à force de jouer des heures au piano ? Pourtant les touches sont lisses. Avez-vous connu un seul cas de ce genre ?
Merci de votre réponse.
Hello Raymonde,
à vrai dire c’est la première fois que j’entends parler de ça. Je ne pense pas que ce soit possible, ou alors il faut vraiment jouer de manière très exagérée. Ou alors avoir un problème aux doigts à la base. Mais en temps normal, même en jouant 5 heures par jour ça ne risque pas d’arriver.